Conflits d'intérêt, de pouvoir, d'opinion... Dans une organisation les conflits peuvent survenir dans tous types de contextes et être causés par une multitude de facteurs. Mais comment naissent-ils ? Quelle mécanique mène à l'escalade conflictuelle ? Laure Veirier, spécialiste en gestion des conflits, nous éclaire sur la logique du conflit.Le conflit, ce qu'on peut dire, c'est que c'est propre à nous qui sommes des humains parce que nous avons affaire au langage.
Donc, parler de conflit, c'est parler de malentendus liés au fait que lorsque nous parlons, nous nous malentendons.Pour autant toute situation de tension dans la communication ne se traduit pas nécessairement par un conflit.
Le conflit répond à un processus bien particulier.Pour qu'il y ait conflit, il faut qu'il y ait déjà un terreau sur lequel des malentendus vont naître.
Pour que cette escalade conflictuelle naisse, justement, on va sur ce terreau voir un élément déclencheur.
On a toujours un élément déclencheur pour que l'escalade conflictuelle se déploie.
Alors, un élément déclencheur, ça peut être pas grand-chose, quelque chose qui vient rompre les habitudes.
Ça peut être vraiment quelqu'un qui n'est pas en copie d'un mail, quelqu'un qui n'a pas dit « bonjour », vraiment quelque chose qui peut paraître anecdotique.
Ou alors ça peut être un changement plus massif, une réorganisation, un projet important.
Cet élément déclencheur habituellement, assez souvent, lorsqu'on le repère, on va aller parler avec le collègue, admettons si on est dans le contexte du travail.
On va essayer de dénouer ce malentendu, s'il s'agit d'un malentendu, ou alors on va essayer d'ouvrir le point qui a fait friction.
Et il n'y a pas d'escalade conflictuelle dans ces cas-là, c'est-à-dire qu'on a pu se dire assez vite, ouvrir assez vite et du coup dénouer.
Ce qui va voir naître l'escalade conflictuelle, c'est qu'on ne va pas arriver justement à mettre des mots sur cet élément déclencheur.
Et qu'est-ce qui va se passer, et c'est vraiment ça qui va caractériser le conflit, c'est qu'à partir de là, c'est notre imaginaire qui va prendre la place et on va tout de suite se dire : « s'il ou elle a fait ça ou a dit ça, c'est parce que… » et là, je vais y mettre mon interprétation.
Et à partir de là, je vais lire la situation à l'aune de mon interprétation et de ma vision des choses.
D'abord, je vais le garder pour moi.
Et puis je vais en parler avec d'autres qui vont donner leur avis.
On perd déjà la subtilité, la complexité de la situation.
On va voir poindre des positions, des arguments, les uns vont se positionner...
Donc on n'est plus vraiment dans l'écoute, on est dans l'émergence de positions.
Ça, c'est la première étape.
La deuxième étape, c'est que quand on ne s'écoute plus, qu'on est dans ce qu'on appelle un « dialogue de sourds » fréquemment et bien on va voir, et c'est là que ça commence à justement être violent, c'est qu'il va y avoir littéralement confusion entre la personne et les problèmes.
C'est-à-dire que l'on ne va plus analyser une situation à l'aune de sa complexité, on va la réduire à l'aune du comportement de telle ou telle personne.
Et on va expliquer la situation du fait que c'est telle ou telle personne qui a agi de telle ou telle manière.
Dans tous les conflits, le problème, c'est l'autre.
Ça, c'est vraiment la base d'un conflit.
Et là où ça va devenir extrêmement violent pour le coup, c'est que, et c'est logique, puisque le problème c'est l'autre, alors il faut s'en séparer.
Il faut le faire changer, il faut le faire partir.
Avec l'illusion que cette personne déplacée, cette personne partie, le problème, la conflictualité serait réglée.
Donc on va changer les personnes, mais le conflit perdure.
Donc ce qui va, je dirais, être difficile à admettre, c'est que le conflit a une logique propre.
C'est un processus qui va tourner autour d'une rationalisation, qui est guidé par sa mécanique propre.
Donc c'est pour ça que c'est extrêmement difficile d'intervenir.
C'est-à-dire que quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, on risque d'être pris à partie.
Et qu'est-ce qui va se passer lorsqu'on est pris dans cette dynamique-là ?
Et bien on va avoir une sorte de conflit dans le conflit, c'est-à-dire que les uns et les autres vont se positionner non pas par rapport à la situation de départ, mais par rapport à la manière de la traiter.