Le conflit a sa propre logique et comprendre cette mécanique c'est avoir les clés pour éviter l'escalade conflictuelle. Comment se saisir du conflit et enrayer le processus ? C'est ce que nous explique Laure Veirier, spécialiste en gestion des conflits.On entend souvent dire qu'il faut non pas réduire mais éliminer le conflit.
Non.
Ce qu'on cherche à faire, c'est justement à s'en saisir comme d'un matériau pour pouvoir voir justement ce qui est du côté d'une certaine vitalité dans ce matériau-là.Quelle est la vitalité derrière les tensions apparentes ?
Qu’est-ce qui est véritablement en jeu ?
En identifiant ce qui est empêché le plus rapidement possible, on peut stopper l’escalade conflictuelle.Lorsqu'il y a des tensions, lorsqu'on sent qu'on commence à avoir, qu'on entend des arguments, qu'on voit que les gens sont sur des positions, c'est à ce moment-là qu'on peut essayer d'ouvrir ça et de s'intéresser à leurs préoccupations derrière les positions.
Qu'est-ce qui est important pour eux ?
Quels sont les besoins ?
Qu'est-ce qui est ressenti ?
Et souvent, ces ressentis-là donnent accès à des enjeux, à des valeurs dont en fait on ne parle pas, on parle peu.
Pourquoi ?
Parce que très souvent, ce dont on se rend compte, c'est que derrière les conflits, il y a des non-dits, c'est-à-dire des choses qui sont évidentes pour chacun.
Et parce que c'est évident, on n'en parle pas.
Qu'est-ce que c'est que, pour toi ou pour vous, le respect ?
Et là, on se rend compte que personne ne met la même chose derrière ces mêmes mots.
Et c'est de ça, très souvent que viennent les conflits, c'est-à-dire des perceptions différentes de ce que c'est que le respect, de ce que c'est que la confiance, de ce que c'est que faire du bon travail, du beau travail.
Donc, ce qu'on peut dire, c'est que pour éviter l'escalade conflictuelle, on va aller ouvrir ce qui est important, les enjeux en fait qui sont derrière ces mots que les personnes prononcent lorsque le ton commence à monter, pour en fait éviter que ces positions se rigidifient et qu'elles soient instrumentalisées ensuite, pour les ouvrir un peu comme des boîtes dans lesquelles on va accéder aux véritables enjeux.
On entend souvent quand il y a des conflits, « on se croirait dans la cour d'école ».
On dirait que c'est des gamineries, qu'on est à l'école maternelle...
Mais en fait, derrière ces choses qui paraissent assez légères, il y a des questions tout à fait fondamentales qui se posent, et notamment pour moi ce qui est important dans ces situations-là, ce qu'on va retrouver très souvent en médiation, c'est en fait qui je suis pour toi derrière ce qui fait conflit.
Donc c'est vraiment des questions de considération, d'identité.
Certains vont trouver leur place dans cette conflictualité et vont exister à travers le conflit.
Donc, c'est comment les faire exister ?
Qu'est-ce qui n'arrive pas à se dire autrement qu'à travers le conflit ?
Donc, c'est aussi à ça qu'on va essayer de s'intéresser.
Finalement, qu'est-ce que ce conflit vient cacher ?
Les tensions sont à saisir comme une perche.
Et à partir du moment où je suis prêt à entendre ce que l'autre a à dire et à avoir, je dirais, la capacité à nommer pour moi ce qui est important, à ce moment-là, le risque est limité.
On a besoin pour ça d'un espace, on a besoin de créer des conditions parfois pour se dire les choses.
Mais en effet, si on arrive à dire, il y a des tensions, je repère des tensions, il y a une opportunité de changement, il y a une opportunité d'évolution, il y a une opportunité de transformation, il y a une opportunité de richesse.
À ce moment-là, en effet, on le voit tout autrement.
Donc, c'est plutôt tendre vers une culture d'une conflictualité constructive.
C'est arriver à associer au mot conflit la notion de construction.