Ressentis, sentiment d'injustice, de manque de respect... Lorsque le conflit éclate, difficile de réussir à communiquer et pourtant sans échanges ni écoute, impossible de sortir d'une situation conflictuelle. Comment créer un espace où chacun se sente respecté et puisse être audible ? Pour Laure Veirier, spécialiste en gestion des conflits, quelques conditions sont nécessaires.Fondamentalement, le démarrage du traitement d'une situation de conflit, ce n'est pas un moment de dialogue, c'est un moment de séparation pour que chacun existe distinctement.
Et parce que j'existe, parce que place est donnée à ce que j'ai vécu, alors, on peut commencer à dialoguer.C’est bien connu, le problème, c’est l’autre !
Qu’est-ce qui est vraiment en jeu dans les situations de conflit ?
Comment créer un espace où chacun se sente respecté et puisse être audible ?Ce qui est difficile dans les situations de conflit, c'est qu'on sait ce qu'on vit, on sait qu'on a raison parce qu'on le ressent.
On sait ce qui est juste pour nous, on sait ce qui est injuste pour nous et donc on a vraiment envie de faire entendre ça à l'autre.
Et que l'autre comprenne que sa façon à lui de se positionner, de réagir, d'avoir posé tel ou tel acte est a minima inadapté et parfois, ça va jusqu'à totalement injuste.
Et donc, on a un désir, on a un besoin que justice soit faite, que quelque chose soit réparé, que quelque chose soit entendu.
Et donc, on va tout faire pour faire plier, pour faire entendre, pour convaincre.
Et si les deux sont dans cette posture-là, c'est à ce moment-là que quelque chose est rendu impossible, c'est-à-dire qu'on ne peut pas s'entendre.
C'est impossible de se centrer sur l'autre si moi-même je n'ai pas un espace pour dire ce que j'ai à dire.
Donc, en fait, on va devoir lâcher le vrai.
On va devoir lâcher la « vérité vraie » pour s'intéresser un temps à la vérité subjective.
Donc en fait, c'est dépasser, je dirais, le litige en fait, la partie visible pour aller se dire : « attends, qu'est-ce qui se passe pour moi ?
Quel est l'enjeu ? ».
Et à partir de là, créer les conditions pour que quelque chose soit rendu possible dans l'échange avec l'autre.
Tout l'enjeu d'une situation de traitement d'un conflit, c'est redonner une place à chacun en tant que sujet et en tant qu’interlocuteur légitime.
Et ça, c'est extrêmement difficile parce que pour ça, il faut accepter que l'autre soit autre, c'est-à-dire qu'il ne soit pas exclusivement mis à la place à laquelle je l'avais mis dans mon imaginaire, c'est-à-dire du côté du problème.
Et deuxième condition, il y a à accepter que moi-même qui suis en conflit avec l'autre, j'ai aussi ma part dans cette affaire, même si je trouve la situation absolument injuste.
Donc ça nous demande de se remettre en question.
Ça nous demande d'aller voir à des endroits où on n'a pas forcément envie de voir, notamment quand ce qui fait conflit est quelque chose qui vient aussi parler de moi.
Ce n'est pas un hasard quand on est en conflit avec quelqu'un, c'est qu'il y a quelque chose.
On va avoir des conflits de ressemblance, des conflits de différences mais en tout cas, assez souvent, il y a quelque chose qui je dirais, qui est en miroir.
Je crois que c'est vraiment un moment d'abord de repérage pour soi et ensuite créer les conditions pour que quelque chose puisse se dire avec l'autre.
Et pour que cela soit possible, il faut qu'il y en ait au moins un des deux qui ait la capacité à suspendre et à ne pas répondre, à ne pas réagir.
C'est ça qui est extrêmement dur.
Mais si on arrive à ça, on a fait une grande partie du boulot quoi, déjà laisser de la place.